série: | Tintin, albums EO |
dessinateur / scénariste: | Hergé |
éditeur: | Casterman EO 1976 |
genre: | Aventure |
classement: | biblio1 |
date: | 1976 |
format: | cartonné |
état: | TBE |
valeur: | 20 € |
critère: | * |
remarques: | première édition couleur 1976, C1, dos jaune avec titre, pages de garde, bleu clair aux portraits page de titre avec 24 traductions en langue étrangère 4ème plat avec couvertures des albums Tintin parus prépublication dans le journal Nouveau Tintin 1975/1976 l'action se passe au château de Moulinsart et au San Theodoros, la première planche sera modifiée par la suite (saison estivale alors que l'on est en février) >> p. 1 Tintin porte des pantalons longs et roule moto-bécane la Bianca Castafiore en tournée au San Theodoros où le général Tapioca détient maintenant le pouvoir grâce au régime Plekszy-Gladz contre le général Alcazar et ses picaros (guerilleros) qui ont pris le maquis soutenu par l'International Banana Company >> p. 2 Haddock ne supporte plus l'alcool dont le whisky Loch Lomond marque qui sera omni-présente dans cette aventure >> p. 3 les reproche de Séraphin Lampion à Haddock pour ne pas l'avoir soutenu lors de l'assurance des bijoux de la Castafiore n.b. Tintin et Haddock se vousoient alors que Haddock tutoie Lampion >> p. 4 Milou qui s'enivre à nouveau >> p. 5 l'interview de Paris-Flash suite à l'arrestation de la Castafiore et des deux Dupondt par Tapioca >> p. 7 de l'humour avec des gags déjà bien usés >> p. 8 la publicité télévisée pour le whisky Loch Lomond et Tapioca nomment Tintin et Haddock les conjurés d'opéra-comique >> p. 9 la dispute verbale entre Haddock et Tapioca qui invite Haddock à venir régler leurs différends au San Theodoros >> p. 10 pour une fois, c'est Tintin, pressentant un traquenard, qui ne veut pas partir avec Haddock, dispute entre Tintin et Haddock >> p. 11 le brave et fidèle Nestor qui écoute maintenant aux portes >> p. 12 arrivée à Tapiocapolis (anciennement Las Dopicos) avec la Santaero, Haddock et Tournesol sont accueillis par le colonel Alvarez, aide de camp de Tapioca, au San Theodoros, c'est la période de carnaval >> p. 13 Alvarez confond Tintin avec un joueur du groupe musical: les jolly old fellows (un groupe de jeunes musiciens) >> p. 15 connaissance avec Manolo, le garde-du-corps au faciès de brute, réapparition du colonel Spönz (affaire Tournesol) sous les traits du colonel Esponja qui est déçu de l'absence de Tintin >> p. 19 le gag de James Bond par Haddock, l'escorte du capitaine Haddock pour aller acheter du tabac! >> p. 20 arrivée impromptue et curieuse de Tintin et cette fois le trio est bel et bien piégé >> p. 23 réapparition de Pablo qui avertit Tintin d'un complot pour les éliminer >> p. 25 visite de la pyramide paztèque selon Pablo >> p. 26 la trahison de Pablo, Tintin et ses amis sont récupérés par les picaros d'Alcazar >> p. 28 Tintin déjoue le piège tendu par les tapioquistes >> p. 30 le parachutage d'alcool, dont le whisky Loch Lomond, pour neutraliser les picaros n.b. même les singes de la jungle sont devenus alcooliques >> p. 31 où l'on apprend le prénom d'Haddock: Archibald >> p. 33 dans le territoire des arumbayas avec leur chef Kaloma réapparition de Ridgewell, la nourriture exotique des arumbayas, >> p. 34 le whisky Loch Lomond qui fait partie de la culture locale chez les arumbayas >> p. 37 Haddock devient amnésique, les péripéties avec le caïman, l'anaconda et le gymnote = poisson électrique, Tintin prend bien soin des animaux (ce n'est plus le Congo) >> p. 39 Haddock retrouve la mémoire, arrivée au camp d'Alcazar = un camp d'ivrognes >> p. 41 apparition de Peggy, la colombe d'Alcazar (palomita mia) >> p. 42 l'invention de Tournesol: des comprimés contre les méfaits de l'alcool et discussions sur la pseudo-soeur de Tournesol >> p. 43 Tintin humaniste pour une révolution sans mort d'hommes >> p. 47 satire sur les médias, le procès télévisé, la justice de Tapioca Tournesol décoré par Alcazar de l'ordre de San Fernando >> p. 51 carnaval de Tapiocapolis, arrivée de Séraphin Lampion et sa clique belge des joyeux turlurons >> p. 54 carnaval durant lequel le général Alcazar va faire sa révolution n.b. sur les vignettes du cortège, on distingue Astérix, Zorro, des personnages de Tintin en Amérique, la tête de vache des sept boules, Groucho Marx, Mickey et plus loin Donald et Snoopy >> p. 56 le régime Tapioca renversé par le régime Alcazar sans violence >> p. 58 Tintin pardonne sa traîtrise à Pablo >> p. 59 course contre la montre pour délivrer les deux Dupondt prêts à être fusillés >> p. 61 libération aussi de la Castafiore qui fait sa loi dans la prison >> p. 62 retour à Moulinsart mais le régime Alcazar à Alcazaropolis n'apporte aucune amélioration au peuple de San Theodoros et dernier gag de Tournesol (avec la moutarde) >> un album peu convaincant, baisse de qualité (scénario, texte et graphisme), par rapport aux précédents albums, la ligne devient bien trop claire (Hergé probablement fatigué de dessiner les aventures de Tintin) planche redessinée au début d'album par rapport à la prépublication - révolution, intrigues, allusion aux Tupamaros, avec le thème de l'alcoolisme et des conditions sociales Tintin contre la peine de mort, message d'Hergé? une bonne intention toutefois: les comprimés permettant l'arrêt de l'alcoolisme - nouvelles apparitions: le général Tapioca en personne et Peggy, l'épouse d'Alvarez, genre mégère américanisée, réapparition de plusieurs personnages dont Ridgewell, l'explorateur de l'oreille cassée annexes - Ier et 4ème plat de l'album - quelques cases mémorables Information Tintin et les Picaros est le 23ème et pratiquement le dernier album de la série de bande dessinée sur les aventures de Tintin, paru en 1976 après avoir été pré-publié dans le Journal de Tintin en 1975/1976, cet album est le dernier qui ait été achevé par Hergé. la genèse de l’album remonte au début des années 1960, le contexte de Cuba inspire Hergé à l’origine, l’histoire se déroulait juste après les bijoux de la Castafiore dans les premiers synopsis, les Dupondt parcourent l’Amérique du Sud à la recherche de la Castafiore, afin de lui remettre l’émeraude volée par la pie Tintin, invité au San Théodoros, voit son avion détourné par un "bigotudos", moustachu partisan du général Alcazar qui a juré de ne plus se couper les moustaches jusqu’à la victoire finale après un atterrissage en catastrophe dans une ville libérée par les Bigotudos, Tintin et Haddock sont reconnus par le colonel Sponsz, un Bordure qui soutient la révolution bigotudos il les enferme dans un camp de concentration avec un ministre de Tapioca qui était dans l’avion; échappés, Tintin et Haddock sont trahis par ce ministre qui les fait envoyer dans un autre camp de concentration, Hergé envisage que Tintin, inquiet des sévices infligés aux Indiens (ou à la population ?) favorise une révolution permettant la réconciliation nationale. mais le scénario hésite sur le rôle à attribuer à Tintin: doit-il prendre parti?, n’apparaît-il pas que comme une victime? peut-il devenir un militant ? ce blocage dure plusieurs années, ce qui exaspère ses collaborateurs en 1965, ils réalisent une page e ce Tintin et la font paraître dans un journal suisse, Hergé abandonne alors le projet, ne retenant que le détournement d’avion pour mettre au point vol 714 pour Sydney et ne reprend l’idée d’un scénario pour les Picaros, complètement modifié, qu’après la parution de vol 714 les allusions à la situation politique internationale restent présentes ainsi peut-on voir le San Theodoros tapioquiste comme un de ces nombreux pays d’Amérique du Sud qui ont été terre d’accueil pour des nazis, qui ont eu le soutien tour à tour des blocs de l’Est ou de l’Occident, et sont aussi un terrain de luttes de pouvoirs personnels lors du procès en mondiovision des Dupondt, le procureur général fait référence à la noble idéologie de Plekszy-Gladz, ce dernier étant le dictateur de la Bordurie, parodie hergéienne des régimes totalitaires. le coup d’état réussi à la fin de l’album par Alcazar n’est pas sans rappeler celui de la révolution cubaine de Fidel Castro, accompli avec un faible nombre d’hommes (les barbudos) l’auteur ne fait pas de concession à l’ami de Tintin: Alcazar apparaît illettré, cupide et imbu de lui-même, il désire en effet rebaptiser la capitale Alcazaropolis, et personnifie le régime tout autant que son prédécesseur lors de sa parution en 1976, Tintin et les Picaros eut un énorme succès commercial, notamment en raison de l’espacement de plus en plus grand entre les sorties des albums de Tintin toutefois, l’accueil de la critique fut plutôt mitigé il est vrai que l’univers de Tintin continue de s’y décomposer, après le huis clos des bijoux de la Castafiore et l’aventure effacée de vol 714 pour Sydney autour de l’album: - une page a dû être retirée lors de l’édition finale de l’album, car il devait en contenir au maximum 62 (comme à l’habitude), cette page montre le colonel Sponsz "Esponja" boire son verre, puis grogner: "cette fois-ci, je les briserai, comme... comme je brise ce verre" il jette alors son verre par terre, qui ne se fêle même pas et rebondit contre un buste de Plekszy-Gladz, brisant sa moustache, l’officier militaire qui est avec Sponsz dans la pièce se met alors à éclater de rire, puis se fait réprimander par le colonel qui le menace, indirectement, de bloquer sa promotion s’il raconte ce qui s’est passé, et fait passer la faute à une femme de ménage - pour la première et dernière fois, Tintin quitte ses éternels pantalons de golf pour un jeans brun (que l'on reverra sur Tintin dans les croquis de Tintin et l’Alph-Art). - des personnes déguisées en Astérix (Goscinny et Uderzo lui renverront l’hommage en faisant apparaître les Dupondt l’année suivante dans Astérix chez les Belges), Snoopy, Donald Duck et Mickey Mouse sont présents au carnaval de Tapiocapolis. - l'album révèle le prénom du Capitaine Haddock: Archibald - la première page de Tintin et les picaros était en cours de coloriage lorsqu’une erreur fut remarquée: Tintin évoluait dans un paysage estival avec des arbres fleuris alors que l’action était censée se dérouler en février, juste avant le carnaval, l’erreur fut corrigée et désormais, dans l’album, la première page affiche bien un paysage hivernal - une rue dite du 22 mai (calle 22 de Mayo, page 54) apparaît dans l'album: il s'agit du jour de naissance d'Hergé - le terme de "pícaro" désigne le héros d'un genre littéraire espagnol, le roman picaresque, né au XVIe siècle - dernier album achevé du maître dont l'écriture et la mise en forme auront pris plus de dix ans, l'attente pour le lecteur se fait de plus en plus longue entre chaque nouvelle aventure - sombre histoire de vengeance avec prise d'otages sur fond de guérilla, Tintin et les Picaros (1976) marque le retour de Tintin au San Theodoros, le pays de l'oreille cassée, Hergé y risque un constat doux amer, tendant à faire croire que tout en ce monde n'est que mascarade, Haddock, renonçant au whisky (grâce à une invention de Tournesol!) ; Nestor espionnant aux portes, Milou supplanté par le chat de Moulinsart , Séraphin Lampion jouant un rôle positif, Alcazar ridiculisé par son épouse, une virago de la pire espèce - l'évolution du monde de Tintin est plus révolutionnaire que l'abandon des pantalons de golf pour les jeans pas de référence pilaire au départ l'album devait s'appeler Los Bigotoudos, puis Tintin et les Bigotoudos, le mot Bigotoudos renvoyant à Bigotudo qui signifie moustachu en espagnol pour la première fois, Tintin quitte ses éternels et emblématiques pantalons de golf pour enfiler des jeans marrons évasés, dans les années 70, comme le disait Hergé, tout fout le camp beaucoup de lecteurs reprocheront d'ailleurs à Hergé ce changement d'apparence Tintin apparaît avec une marque de reconnaissance: le sigle peace and love sur son casque (signe de reconnaissance dans les années 60 repris par les hippies et symbolisant la paix) surprenant pour un personnage taxé de conservatisme, mais Tintin est-il si conservateur que cela ? décidément cet album est celui du changement le capitaine Haddock ne supporte plus le whisky et, contre son gré, perd sa sympathique intempérance les insultes qui ont contribué à sa légende se sont raréfiées singulièrement, il faut attendre le 23e album pour connaître le prénom du capitaine: Archibald à l'occasion d'un dialogue quelque peu surréaliste où Tintin rappelle au capitaine commotionné son nom et prénom, Hergé avait établi une liste de 17 prénoms parmi lesquels il a préféré Archibald à Marmaduke, l'immuable Nestor révèle des faiblesses, sans doute par mimétisme, il s'adonne à la boisson, indiscret, il écoute aux portes, surpris par le capitaine, son embarras n'en est que plus accablant, sur cette image indigne de son passé, Nestor quitte la scène (il reviendra sous forme de croquis dans L'Alph Art) Milou aurait-il perdu le statut de préféré? Milou est-il détrôné dans l'affection de son maître par le chat du château? il n'a cependant pas perdu son penchant pour l'alcool et l'ivresse Tintin n'a pas été au Mexique mais pour dessiner sa pyramide "paztèque", Hergé s'inspire d'une pyramide maya se trouvant au Yucatan dans le Sud du Mexique, cette pyramide est autrement nommée le Castillo de Kukulcan qui domine de ses 30 mètres de hauteur le vaste site de Chichen Itza bien que la dernière aventure achevée des aventures de Tintin se déroule dans un état imaginaire de l'Amérique du Sud, le San Theodoros, Hergé n'hésite pas à mélanger les genres et de faire des sauts dans l'espace pour reconstituer un univers homogène d'inspiration latino-américaine à partir d'éléments hétéroclites Hergé imagine un groupe folklorique imaginaire, les joyeux turlurons Hergé avait dans ses archives plusieurs documents rangés sous "cortèges carnaval" dont les célèbres Gilles de Binche sur lesquels il s'est très partiellement basé pour les Turlurons il faut y voir aussi l'influence des Blancs Moussis, de Stavelot et les Chinels de Fosses-la-Ville, trois localités belges coïncidence ou heureux hasard, Castro profite aussi des fêtes du Carnaval pour l'attaque la caserne de la Moncada en vue de renverser le dictateur Batista, le 26 juillet 1953, petit détail amusant: depuis 1991 existe une société des Turlurons, à Louvain-la-Neuve, la ville qui accueille le Musée Hergé des personnages déguisées en Astérix (Goscinny et Uderzo lui renverront l'ascenseur dans Astérix chez les Belges avec une apparition des Dupondt), Snoopy, Donald Duck et Mickey Mouse apparaissent dans les planches du cortège, on peut se demander quelle raison a déterminé Hergé à choisir la période du carnaval pour situer sa dernière aventure achevée (faciliter le dénouement du conflit Alcazar/Tapioca par le biais de l'intrusion des Turlurons qui en faciliteront la résolution), mais aussi une raison inconsciente, par delà ladite intrusion des Turlurons (Alcazar ne s'exclame-t-il pas significativement: ces turlurons, caramba, le ciel nous les a envoyé!) inhérente à la symbolique même du Carnaval, le fait que Hergé ait préalablement composé sa toute première case, montrant un paysage d'été en pleine saison carnavalesque, paraît à cet égard relever d'un "acte manqué" de ces tragiques traditions, "Tintin et les Picaros", c’est en cela, notamment, que réside sa valeur, ne témoigne plus que d’une dérisoire et grossière caricature car, de quoi est-il question dans son dénouement? de la révolution par laquelle Alcazar entend reprendre (une fois de plus !) le pouvoir à son éternel rival, Tapioca du moment qu’elle ait pour cadre le Carnaval à la "sauce" moderne, elle ne n’offre plus qu’une lointaine analogie avec ces "fêtes" antiques au cours desquelles des hommes étaient immolés, c'est qu’en l’occurrence, la condition posée par Tintin de son aide (et, en tout premier lieu, le dessoûlement des Picaros, le temps que sl'accomplisse la reprise du pouvoir) implique l'interdiction que la moindre goutte de sang soit répandue … pas même celui de Tapioca, en dépit de ses objurgations (de grâce ne me faites pas grâce!) et les "insistances" de son "aide de camp", le colonel Alvarez, qui, conformément aux "traditions" San-Théodoriennes que nous connaissons depuis "l'oreille cassée", s'est empressé de "tourner casaque" (à cet égard, Sponsz, s’il semble pareillement "confondu", apparait d’une tout autre trempe que ces "officiers" d’opérette) nous connaissions, depuis "l’oreille cassée", pareille connivence entre "politique" et chienlit pseudo "révolutionnaire" aux accents carnavalesques jusque dans l’abus d’aguardiente par l’abstinent Tintin auquel il doit à la fois son salut et le fait d’être "bombardé" colonel-aide de camp après avoir été promené en triomphe, du moins le dramatisme formant la trame de l’album s’accentuait encore durant "l’expérience" politico-militaire de Tintin jusqu’à en faire un des plus noirs d’Hergé et où se côtoient sang et mort, la seule effusion de liquide qui, cette fois, sera assurément répandu par barriques entières durant le "Carnaval de Tapioquapolis", c'est le Loch Lomond: "même si le héros interdit provisoirement aux arumbayas et picaros de se soûler, il ne peut ignorer l'alternative: le sang ou le whisky, le sacrifice ou la dépense ostentatoire, qui est la forme contemporaine que prend le sacrifice, dans une société fondée sur l'économie monétaire" (selon Jean-Marie Apostolidès). nous retrouvons à nouveau le ton "doux-amer" du Hergé de la dernière manière (celle, tellement incomprise et qu’on lui a tellement reprochée) mais cette fois, ponctué par un ricanement sardonique: point d'effusion de sang (et son corollaire, l'héroïsme qui, en quelque sorte, "justifie" et "rachète" le sang versé) mais effluves de whisky au sein d'une chienlit (vocable qui, soit dit en passant, se rapporte en son sens populaire aux masques parcourant les rues au temps du Carnaval) qui ne craint point cependant de s'autoproclamer "révolution" au son des cris et "musiqueries" discordantes du "mardi-gras" avec les guérilleros costumés en turlurons de Lampion à l’avant-centre; que coûte désormais le monde? et il ne vaut assurément plus que l’on se sacrifie pour lui "ce faisant, il (Tintin) établit l’identité entre révolution et carnaval, l’une et l’autre ne se distinguant maintenant que par la quantité de whisky absorbé cette équivalence en entraîne une autre: Alcazar et Tapioca sont non seulement deux figures jumelles mais elles se placent en miroir avec la figure du roi de carnaval. leur sceptre est son sceptre: un immense cigare qu’ils brandissent pour affirmer leur puissance alors que celui d’Ottokar était en or, le sceptre d’Alcazar est en feuilles de tabac et il se consume aussi rapidement que le pouvoir qu’il représente, tandis que le sceptre s’envole en fumée, la structure de l’univers vieilli se liquéfie dans l’alcool: cigares et whisky sont les emblèmes fondamentaux de l’univers Lampion - alors que ceux de la monarchie syldave étaient uniques, ceux-ci sont multiples et accessibles à la masse, les premiers étaient fondés sur le qualitatif, les seconds, qui se renouvèlent sans cesse, sur le quantitatif, ils permettent une constante transformation du monde en même temps qu’ils disent son inéluctable dégradation; si l’univers politique et social ne cesse maintenant de se métamorphoser, à l’inverse l’univers privé de Tintin tâche de conserver sa stabilité, de se durcir dans une image héroïque (Jean-Marie Apostolidès) autre album encore plus injustement décrié que "Vol 714 pour Sydney" bien que partageant avec "Coke en Stock" le statut "d’aventure bilan" (comme dans ce dernier, plusieurs personnages du passé sont réintroduits), "Tintin et les Picaros" continue et accentue sur un mode encore plus "doux-amer" (et cette fois, carrément "amer"), la dénonciation par Hergé du monde "moderne" que, 40 ans après la parution de l’album, à preuve, le fait, symbolique en soi, que l’auteur troque les éternels pantalons de golf de Tintin pour des jeans, (innovation qui a "choqué" les puristes) pour le situer désormais dans le "moderne", le dote d’une motocyclette (avec panier arrière pour Milou) et l’affuble d’un casque frappé du symbole "Peace and Love", logo du pacifisme et de la non-violence comme si Tintin avait, un temps, partagé le pseudo idéal des tout aussi pseudos "pacifistes" hippies, ce désenchantement, non pas de "Tintin" mais de l’époque où débutent "les Picaros", s’exprime dans le fait, anodin en soi, que le dernier album achevé de Tintin commence sur un paysage hivernal, même si l’accomplissement de l’intrigue (le carnaval de Tapiocapolis) impliquait forcément la présentation des abords de Moulinsart dépourvu de végétation sous un ciel couleur de plomb; à l’espace public, ses tumultes et ses fausses "valeurs", Tintin préfère de beaucoup l’espace privé qu’il s’est créé à Moulinsart dût-il essuyer les véhéments reproches du capitaine: "eh bien, restez ici à vous dorloter, les pieds bien au chaud dans vos pantoufles", attitude "incompréhensible" et que les critiques ainsi qu'une bonne part du public ont véhémentement reprochée à Hergé, ne comprenant pas que, aucune idéologie, aucune politique ne valant qu’on se détruise pour elles; désormais, reflétant la pensée de son créateur, Tintin est pour Tintin sous n’importe quel régime et en n’importe quel lieu, dès lors, qu’importent le San Theodoros et la Bordurie, Tapioca et Plekszy-Gladz, Alcazar, les Picaros et "l’International Banana Company" (cette puissance commerciale et financière), - le whisky "Loch Lomond" envahissant jusque dans l’intimité de l’espace privé sous les espèces de la "Pub", cette apocope du vocable "publicité" devenue, dans la déliquescence de la langue, un synonyme à part entière, et tout le Saint-frusquin des tumultes du monde; pour Tintin, "fils" d’Hergé, pressentant le piège qui est tendu, la seule chose qui compte c’est ce qui profite uniquement à Tintin et à l’univers privé de Moulinsart |
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